Dans notre marche à la suite du Christ, que d’épreuves à surmonter et de déserts à traverser ! Mettre ses pas dans les pas du Christ n’a jamais été et ne sera jamais une sinécure ! La « vallée de la soif », que nous devrions regarder comme un lieu de purification et de maturation la foi, est et a toujours été une expérience difficile voire insupportable. Tout au long de l’histoire, de nombreux croyants, ne tolérant pas de ne pas la voir changée en source, illico presto, s’en sont pris directement à Dieu. C’est vrai que les hommes ont toujours été fragiles face à l’épreuve, le psalmiste lui-même en témoigne en relisant la situation religieuse de ses contemporains à la lumière de ce qui s’est passé jadis à Massa et à Mériba et qui dénotait déjà une grande instabilité spirituelle, avec comme conséquence la tentation du bricolage. « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme à Mériba, comme au jour de Massa, dans le désert où vos pères m’ont tenté et provoqué alors qu’ils avaient vu mes œuvres ». Ps 94, 7 Massa et Mériba : « défi » et « accusation », contre Dieu bien sûr, et de la part d’un peuple qui a vu de ses propres yeux la manne et les cailles, qui s’en est nourri pendant longtemps, et qui surtout, venait à peine de terminer son « Chant de victoire », une victoire que tous reconnaissaient comme œuvre de la main victorieuse de Dieu. « Yahvé est ma force et mon chant «, criaient-ils, « à lui je dois le salut » Ex. 15, 2, avant de faire volte-face. Mais qu’est-ce qui peut donc expliquer cette instabilité chez les Hébreux d’hier, et chez bon nombre de chrétiens aujourd’hui, les plus gâtés étant ceux qui murmurent le plus ? Une première raison qu’on pourrait avancer, est dans la réponse très lucide de ce vieux moine à un novice, scandalisé lui, par les nombreuses défections à l’époque, non pas de jeunes moines mais des profès de longue date. C’est un des apophtegmes des Pères du désert, avec cette meute de chiens qui croit courir derrière un lièvre, mais un lièvre invisible. Tous finissent par abandonner. Ce n’est pourtant pas qu’il n’y avait de lièvre, mais il fallait beaucoup d’effort et d’attention pour le voir. Autrement dit, marcher à la suite du Christ ne se fait pas par procuration ; il faut avoir les yeux fixés sur la croix, donc s’interdire d’aller dans tous les sens, de regarder en arrière, ou encore de se préoccuper des pierres et des épines sur le chemin ; elles sont la preuve qu’on n’est pas sur un mauvais chemin. Une autre raison c’est notre obsession à vouloir être notre propre maître ; nous supportons difficilement de ne pas être seul à contrôler entièrement notre destin. C’est ce qui avait failli coûter sa vie à Pierre le premier des Apôtres, lors de la marche sur les eaux Cf. Mt. 14, 22-33. On se rappelle que sur l’ordre du Christ, Pierre avait eu ce jour-là une faveur insigne, celle de faire quelques pas sur la mer ; un honneur qui n’a jamais été donné à aucun autre être humain, mais très vite Pierre a « chaviré » ; en fait, il n’imaginait tellement pas que cela puisse lui arriver, qu’il a eu peur pour sa vie ; il s’est souvenu qu’il n’était pas aux manettes, il s’est mis à imaginer le pire, donc à douter purement et simplement du Christ. Aujourd’hui écouterons-nous sa parole ? Ecouter Dieu c’est prendre le chemin de notre véritable libération, étant entendu que notre premier oppresseur c’est bien nous-même et notre ego ; notre ego qui ne voit et ne privilégie que ses propres intérêts et qui en matière de foi et de pratique religieuse se contente du minimum, nous contraignant même à faire de la religion un produit de consommation. Cette année encore nous sommes invités à prendre davantage soin de la « Maison Commune » qu’est notre Communauté paroissiale. Pour qu’elle ne soit pas un lieu de défi et d’accusation, pour que nos soifs ne se transforment pas en colère ou en repli sur nous-mêmes, efforçons donc de déboucher nos oreilles et de désencombrer nos cœurs. Ab. Michel |