Aurions-nous honte de notre foi ?

“Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes” dit Aragon. Effectivement notre monde de filles et fils d’Adam est un monde plein de gens tristes, des femmes et des hommes qui n’ont plus le courage de rechercher ce qui fait et procure les joies véritables ; nous préférons de plus en plus nous contenter de “faire semblant d’être heureux”, heureux du bonheur que chacun se forge soi-même ou le plus souvent avec l’aide de thérapeutes ou de gourous en tout genre.

 Paradoxe des Rameaux, paradoxe de nos vies. L’un des moments les plus émouvants de la vie du Christ c’est incontestablement son entrée dans la ville de Jérusalem quelques jours avant la Pâque des Juifs. Moment de triomphe pour Celui que toute la ville acclame comme “Fils de David”, c’est-à-dire Messie et Libérateur, mais triomphe aussi pour un peuple qui se sait “le moins nombreux de tous”, qui a vécu constamment sous la menace des plus forts et qui croyait enfin voir le bout du tunnel. Hélas tout cet enthousiasme va rapidement s’évanouir ; car Celui que tous accueillent en grande pompe avance vers la mort et la mort la plus ignominieuse, celle que les romains n’infligeaient plus qu’à des esclaves et aux grands criminels. “Ô mon peuple que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je fatigué ?”

 (cf. Impropères du Vendredi saint). Comment expliquer un tel revirement ? Ceux qui chantaient “Hosanna Fils de David” ont retourné leur veste en un rien de temps pour se constituer en groupes de railleurs, après un procès qu’ils savent pourtant bâclé et injuste.

 C’est bien cela que Saint Paul appelait le “mystère d’iniquité”, le contraste de ce monde dans lequel nous vivons, un monde à la fois merveilleux (c’est un don de Dieu) et en même temps abimé (parce que soumis au pouvoir du néant). Nous ne sommes pas les seuls responsables des laideurs de ce monde, mais tous, d’une manière ou d’une autre, nous participons à ce qui désharmonise le monde, qui nous déshumanise, qui ruine les âmes et dessèche les cœurs. Nous sommes loin d’être des “grenouilles de bénitiers” ; il n’empêche qu’au fond de nous-mêmes, nous ne voyons pas de Source de salut, en dehors du Christ, même si nous usons souvent des moyens les plus subtils pour dissimuler la petite étincelle de foi qui subsiste encore en nous.

 N’est-ce pas au fond parce que nous avons honte de notre histoire et de notre appartenance

au Christ ? Combien de fois, par exemple, choisissons-nous, comme les foules de Jérusalem, de fuir le Christ, de nous boucher les oreilles pour ne plus entendre ses appels, parce que nous craignons que cela nous entraine loin, trop loin de nos vieilles habitudes mondaines ?

  Nos cœurs, aujourd’hui plus que jamais, ont soif d’être libérés des forces de suspicion et de peur qui nous font parfois ressembler à des zombies.

Ab Michel

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Author: mjusseau