En ce lundi 3 octobre, en mémoire de St. Cyprien de Toulon, disciple de St Césaire d’Arles, au lendemain de mon ordination épiscopale, me voici au pied de la croix de Provence. Gardant et méditant en mon cœur tout ce que nous avons vécu ensemble dimanche et, suivant de Jésus qui « gravit la montagne, à l’écart pour prier. Le soir venu, il était là, seul » Mt 14, 24, me voici tout là-haut, sur Sainte-Victoire et mon regard s’étend au loin comme ma prière.
L’air est limpide, je vois l’étang de Berre et plus loin le golfe de Fos ; je devine la courbe de la côte de la Camargue qui s’étend jusqu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer. De l’autre côté se dessine l’ombre bleue de la montagne du Luberon et peut-être bien les Alpilles près de St Rémy. Plus près, mon regard peut plonger dans les vallées proches où se dispersent les troupeaux des villes et villages. La Croix de Provence veille sur tous ceux-là qui partagent cette terre, hommes, femmes et enfants, bêtes des champs et oiseaux du ciel, herbages et forêts, jardins et vergers, oliviers et lavandes.
La Croix de Provence étend ses bras protecteurs sur vous tous qui partagez la même terre nourricière et blessée, sur vous tous dans votre barre d’immeubles ou votre mas protégé dans la garrigue, dans le bruit incessant d’un quartier populaire ou le silence d’une retraite priante. Sur vous tous et de là-haut, ma prière, comme mon regard, s’étend à tous les hommes et femmes de bonne volonté, aux chercheurs de sens, à ceux qui savent que, paradoxalement, c’est en ayant les yeux vers le Ciel qu’on ne trébuche pas en chemin. Levez les yeux de vos smartphones et des autoroutes de la pensée et regardez vers le ciel !
Levez les yeux vers le ciel. Cela seul ne pourra jamais vous être enlevé. Même le mourant sur son lit d’hôpital meurt les yeux levés, le regard bien au-delà du plafond de sa chambre. Même le prisonnier dans sa cellule peut encore lever les yeux et son regard intérieur peut percer le mur lépreux de sa cellule, briser le plafond de tous les enfermements. Le persécuté devant ses bourreaux peut encore lever les yeux vers le ciel. Celui qui est démuni de tout, sans abri, quêtant son prochain repas, exilé, seul parmi les hommes, a toujours la liberté de lever les yeux vers le ciel. Dignité humaine, lève-toi et regarde vers le ciel !
Ma prière entoure d’affection tous les croyants, tous les chercheurs de Dieu et tout spécialement nos frères et sœurs musulmans « qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes» (Nostra Aetate n. 3). Les hommes se rapprochent quand ils regardent ensemble vers le ciel et les priants sont estimés dans toutes les religions.
Ma prière, depuis cette haute montagne, embrasse tous nos frères et sœurs ainés dans la foi, le peuple juif qui se prépare à célébrer demain soir le Yom Kippour, le Grand pardon du Seigneur pour son peuple trop effrayé pour lever les yeux vers la montagne de Dieu et qui a préféré abaisser son regard vers un veau d’or fondu. Oh ! de ce Grand Pardon, toute l’humanité idolâtre de sa propre puissance en a grand besoin ! Priez pour nous frères et sœurs juifs « très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance » (Rm. 11, 28-29 et Nostra Aetate n. 4).
Au pied de la Croix de Provence, ma prière s’envole alors vers tous les adorateurs du Crucifié, tous les disciples de Jésus des diverses Eglises et Communautés Ecclésiales qui sont rassemblées par la même Parole Vivante, qui rendent grâce au Dieu trois fois Saint et qui, revêtues de l’Esprit Saint, peuvent confesser que Jésus est Seigneur. Les bras de la croix de Provence sont les bras aimants du Ressuscité qui nous rassemblera tous dans l’unité de son Amour, au temps décidé par Lui.
Enfin ma prière revient à notre Eglise catholique de Provence, qui était rassemblée dimanche dans la diversité de ses ministères institués et ordonnés, avec les nombreux prêtres et diacres du diocèse et ceux venus d’Auch, aux charismes des fidèles laïcs et des consacrés hommes et femmes, « tous les jeunes gens et jeunes filles, les vieillards comme les enfants » (Ps. 148, 12), avec « en tête les chantres, les musiciens derrière, parmi les jeunes filles frappant le tambourin » Ps. 67, 26, Eglise qui a célébré la joie de sa communion dans la foi des Apôtres. Ma prière s’étend plus loin, jusqu’à l’Eglise catholique de Gascogne, près de Toulouse et d’Auch, à ceux qui ont prié chez eux et qui nous ont rejoint après une longue route avec leurs évêques, Mgr Lacombe et Mgr de Kérimel. Elle s’étend à toute l’Eglise catholique dont de nombreux évêques sont venus témoigner de leur fraternité apostolique et de la présence de leur église diocésaine. Ma prière rend grâce tout spécialement pour Mgr Aveline, Mgr Ricard, Mgr Fontlup, Mgr Sabi-Bio de diocèse de Natitingou, témoignant de la fraternité unissant nos Eglise, et mon prédécesseur, Mgr Dufour, entourés des prêtres et diacres du diocèse.
« La Croix est le chemin vers le Ciel » (sainte Thérèse d’Avila). Que la Croix de Jésus soit notre chemin ! Qu’elle soit notre force, notre guide, notre protection, notre bonne nouvelle, notre mission. Peuple de Dieu, peuple de Provence, les yeux levés vers la Croix de Jésus, annonce la merveille que le Seigneur fit pour toi. N’oublie pas que les bras aimants de la Croix de Jésus, depuis cette haute montagne, étendent sa miséricorde à tous les êtres. Proclame ta joie de croire en l’amour sauveur du Seigneur, donne-toi de tout ton cœur et de toute ton âme par amour pour des frères et sœurs en humanité.