J’ai appris une grande nouvelle l’autre soir, chez les Petites Sœurs de Jésus au Tubet : « Jésus est né en Provence ! » C’est bien à cela que je pense en contemplant mes premières crèches provençales. Devant elles, je suis comme sont les enfants, mon regard s’éternise, flâne, se promène et passe d’un santon à l’autre, d’une scène à l’autre, d’un détail cocasse à un autre émouvant. Voici un homme qui fait la sieste sous un arbre, deux femmes qui plument des volailles, un « terrain » de Gitans plein de vie et de couleurs, une rue provençale avec son puits, ses charrettes, ses marchands. « Où est le Ravi ? » Cherche-t-on… Est-ce lui ? Non il n’a pas les bras levés… Au milieu de cette Provence imaginaire et pittoresque, se niche la crèche, la Sainte Famille, les anges et les bergers… Jésus.
Dans l’Évangile selon saint Jean que l’on entend le jour de Noël, il est écrit : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 11-12). Contemplez la crèche : il est bien venu chez lui, parmi les siens : « Jésus est né en Provence ». Et chaque crèche que vous faites, dans la rue, dans une église, chez vous surtout, dit bien cela : il est venu parmi les siens. Vous et moi, nous sommes « siens », « enfants de Dieu », sa famille, ses proches, son peuple.
Mais les santons nous disent aussi avec leurs habits et métiers d’autrefois que bien plus de cent ans ont passé depuis les bergers des livres de Giono, les Gitans et Gardians du temps de Baroncelli, les provençales de l’époque de Frédéric Mistral. Un siècle et plus, un siècle échoué sur les bancs de sable des grands désirs de puissance et d’impunité : régenter la naissance, la vie, la mort, régenter la matière, régenter le vivant, résoudre par des objets sans sujet, le drame des sujets sans objets et malgré ces grandes idées, sombrer dans la guerre. Dans ce temps échoué comme une épave au large de Beauduc, Noël m’apparaît plus que jamais comme la fête du renouveau de la Création et du salut de la créature, maintenant que nous pesons combien nos illusions de puissance menacent et la Création et la créature.
Il est venu parmi les siens, aujourd’hui comme au temps de Mistral, Baroncelli, Giono, Pagnol. Il vient toujours parmi les siens. Et vous en faites partie. Enfants de tous âges, puisqu’Il est venu chez vous, soyez parmi ceux qui le reçoivent et qui deviennent « enfants de Dieu », sa famille, ses proches, son peuple. Messagers de paix, consolez, consolez ceux qui vous entourent et sont dans la peine. Messagers de joie, réjouissez-vous dans la simplicité. Messagers d’espérance voyez par-delà les troubles et illusions du temps. Soyez dans l’allégresse. Fêtez dans la joie Celui qui vient. Très joyeux Noël à tous !
En la solennité de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 2022, fête patronale du diocèse.
Mgr Christian Delarbre
Archevêque d’Aix et Arles