En quoi le monde d’aujourd’hui reconnaît-il le bon parent ? Imaginez un micro-trottoir sur la question ; les réponses seraient unanimes : « Celui ou celle qui prend soin de sa famille ». C’est vrai, c’est même évident ! Ce qui est moins évident par contre, c’est l’unanimité autour de cette notion même de soin et ce qu’elle recouvre exactement. Prendre soin de sa famille, c’est quoi précisément ? Pour la grande majorité de nos contemporains, c’est veiller à ce que le conjoint, les enfants, et tous les autres membres de la famille ne manquent de rien ; concrètement, c’est leur trouver un toit, les nourrir, les vêtir, leur garantir un minimum de protection et de sécurité, et pour ce qui concerne les enfants, veiller à leur éducation scolaire, sportive, artistique et même musicale, pour leur assurer autant que possible une belle place dans la société de demain.
Tout cela est important bien sûr, mais un C.D.I bien rémunéré et la réussite dans la vie suffisent-ils toujours à rendre heureux un être humain ? Ce que l’expérience de tous les jours nous apprend c’est plutôt que réussir dans la vie n’est pas forcément synonyme de réussir sa vie. Nous oublions trop souvent et de plus en plus hélas, que l’être humain ne se réduit pas à sa dimension purement biologique ; le risque on le voit déjà, un romancier américain Chuck Palahniuk le résume en quelques mots et des mots si justes : avec cette mentalité beaucoup aujourd’hui, dit-il en sont réduits à faire un travail qu’ils détestent, pour s’acheter des choses dont ils pas toujours besoin, juste pour impressionner des voisins qu’ils n’ont envie d’aimer. Pour rappel, la tristesse et le malheur dans l’opulence, c’était déjà le syndrome d’Adam dans sa solitude en Eden.
Une bonne éducation, nous sommes en train de l’oublier, c’est aussi un investissement spirituel sur les enfants et sur chacun d’eux en particulier. La famille chrétienne ne se porte pas bien si Dieu n’y trouve pas sa place, Dieu qui nous demande d’aimer le prochain, qui nous apprend à l’aimer de tout notre cœur et de toutes nos forces, et qui nous indique que ce prochain à aimer c’est d’abord celui et celle avec qui je suis lié par le sang et avec qui je partage le même toit. Pour être vraiment chrétiennes, nos familles aujourd’hui réclament davantage de soin de la part de chacun des membres, mais surtout des papas et des mamans ; elles ne peuvent et ne doivent plus se contenter, comme d’autres, d’être des familles naturelles et biologiques, il y a urgence qu’elles retrouvent leur véritable vocation de familles spirituelles. « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent » Lc 8, 20. Je fais remarquer que sur ce sujet, l’apôtre Paul, dans son zèle pour le salut de tous, a des mots qu’on jugerait intolérables et inacceptables aujourd’hui : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens, –sur les plan spirituel bien entendu – il a renié la foi et est pire qu’un incrédule». 1Tm 5, 8
La famille par elle-même est incapable d’être et de rester l’ancre salvatrice qui évite à ses membres d’être emportés par les nombreuses tempêtes des violences domestiques, des difficultés et refus de communication ou encore des addictions de toutes sortes, avec leur impact sur la santé et l’équilibre de tous, notamment des plus fragiles. La famille laissée à elle-même ne peut pas être parfaite ; l’Ecriture nous montre bien qu’à l’origine des désastres que nous connaissons, il y a eu le péché d’Adam et d’Eve ; ce péché qui nous colle toujours à la peau et qui a engendré d’abord la guerre des sexes, puis l’envie et jalousie entre frères jusqu’au meurtre d’Abel, et – Ô sacrilège ! – la lâcheté d’Abraham qui livre sa femme au roi Abimélech, cf. Gn 20, 5 en échange de sa sécurité personnelle et de biens matériels. Loin de Dieu nous devenons des loups les uns pour les autres.
Pour toutes ces raisons donc et pour tant d’autres, les parents chrétiens devraient s’efforcer de prendre du temps et toujours davantage de temps pour leurs familles. Souvenons-nous que du haut de la croix, alors qu’il était broyé par des souffrances indescriptibles, le Christ lui-même a pris le temps de rassurer Marie sa mère, ainsi que ses disciples à travers l’apôtre Jean, les confiant les uns aux autres.
Une Communauté chrétienne vivante et unie ce sont des hommes et des femmes dociles à l’Esprit du Christ, des hommes et des femmes qui prient ensemble, et avec et pour leurs enfants, qui leur donnent très tôt le goût de Dieu et donc l’assurance de pouvoir toujours compter sur l’amour prévenant de frères et sœurs ayant à cœur de s’entraider ici-bas, en vue de Dieu et de la vie éternelle.
Ab Michel