Un jour les Apôtres, certainement inquiets de ce qu’ils ressentaient comme la pauvreté de leur vie spirituelle, font une requête au Christ : « Seigneur apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples ». C’est ce jour-là, dit l’Evangile, qu’ils ont reçu cette prière du « Notre Père » qu’on appelle aussi « oraison dominicale » : « Notre Père… que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel … ». Mt. 6, 9-13. Le Christ, l’Orant parfait, veut donc que ses disciples l’imitent dans la fréquence, l’intensité et la profondeur de sa prière, comme dans son expression. « Ne rabâchez pas comme les païens », « Ne soyez pas comme les hypocrites » qui aiment à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. Curieusement, pour introduire cette belle prière du « Notre Père », la plus belle et la seule vraiment parfaite dit St Augustin, en ce qu’elle renferme toutes les demandes légitimes qu’on puisse adresser à Dieu, le Christ fait une précision aux disciples : « Votre Père sait bien ce qu’il vous faut avant que vous le lui demandiez » Mt. 6, 8.
Mais alors une question : Si Dieu est bon, s’il est Amour et s’il connaît mieux que nous nos propres besoins, pourquoi donc faudrait-il qu’on l’assourdisse avec nos multiples demandes, et que nous nous mettions ainsi à rabâcher finalement ? Et alors, que valent-ils tous ces rassemblements du dimanche, ces processions et pèlerinages à Lourdes, en Terre Sainte ou à Fatima ? En somme, en dehors du sentiment de bien-être qu’elle peut procurer à certains, mais que beaucoup trouvent aujourd’hui dans le zen ou la méditation de pleine conscience, quelle peut être l’utilité de la prière ?
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et chez lui, nous nous ferons une demeure. ». Jn 14, 23. C’est l’Evangile de ce dimanche.
-Ce que cette parole nous apprend, c’est qu’aimer Dieu ce n’est pas de la théorie, et ça ne se revendique pas non plus. Aimer Dieu c’est chercher à entrer en contact avec lui et à maintenir ce contact ; c’est lui accorder la première place dans notre cœur, donc savoir se créer des occasions pour le louer ; c’est lui laisser l’orientation et le contrôle de nos vies. « Tu aimeras le seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. » Mt. 22, 38. La première et la plus belle preuve de notre amour, pour Dieu, c’est donc de le prier.
-Notre prière peut prendre plusieurs visages ; elle peut être une prière personnelle, comme un colloque avec Celui qui nous a donné la vie et qui connaît chacun par son nom ; elle doit être aussi une prière communautaire ou liturgique ; parce qu’on est chrétien qu’avec les autres, et sur le chemin de la Vie éternelle, notre attachement au Christ doit nous amener chacun, à prendre soin de ses frères et sœurs. A chacun de nous donc, le Christ dit : « Celui qui m’aime, garde mes commandements » ou comme à Pierre : si tu m’aimes, alors « prends soin de mes brebis ». Jn. 21, 17. L’amour de Dieu quand il devient prière quotidienne, nous décentre de nous-mêmes et de nos préoccupations égoïstes et nous évite de nous jouer au petit dieu.
C’est vrai que ce ne sont pas ceux qui crient : « Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume » Mt.7, 21, mais c’est vrai aussi que, faire la volonté de Dieu c’est une grâce que Dieu à ceux qui s’unissent, dans la prière et l’action, au Corps Mystique du Christ.
Ab. Michel