La civilisation moderne et technico-industrielle, en nous faisant oublier la force et la multiplicité des liens qui nous unissent à notre environnement naturel, nous rend de plus en plus inapte à bénir Dieu et à accueillir ses bénédictions. C’est vrai qu’aujourd’hui nous avons le confort et une meilleure santé ; nous vivons mieux et plus longtemps ; nous avons la météo et de plus en plus de machines agricoles ; pourtant le progrès technologique ne présente pas que des avantages ; c’est bien lui ou surtout lui, qui a poussé l’homme à se définir en opposition avec la nature, le déconnectant ainsi et de son environnement et de son Dieu ; les conséquences sont désastreuses : agonie de la nature en cours, et bientôt, agonie de l’homme ; quoi d’autre après sinon le « tohu-bohu » ? Nous savons bien que tout cela n’est pas une fatalité. La solution pour réconcilier l’homme avec la nature, avec lui-même et ses semblables et avec Dieu, nous la connaissons bien, c’est un mode de vie plus raisonnable. Nous avons trop vite oublié cette mise en garde du Christ, nous qui ne cessons de nous réclamer de lui : « Que sert à l’homme de gagner le monde entier, nous dit-il, s’il vient à perdre son âme ? ». Le but principal d’une vie chrétienne n’est-ce pas de bénir et de glorifier Dieu ? Nous ne sommes donc vraiment à notre place et heureux que lorsque nous prenons l’habitude de témoigner à Dieu notre admiration et notre reconnaissance pour la merveille de la création et pour la chance immense que constituent tous ces frères et sœurs autour de nous et à nos côtés, et sans lesquels notre vie serait un enfer. C’est bien là tout le sens de la liturgie des Rogations et des processions champêtres, jadis très populaires, parce qu’ils « faisaient des miracles » en permettant de bonnes récoltes. La procession des Rogations ce n’est rien d’autre qu’un moment pour bénir Dieu. Tout commence par un jeûne, une manière, pour la Communauté, de dire à Dieu qu’elle ne veut vivre que de Lui ; puis une imposition des cendres et l’aspersion de l’eau bénite au moment du rassemblement ; on ne se contente pas de reconnaitre que sans Dieu, rien n’est possible et rien ne peut tenir ; on lui promet de sanctifier le travail et on le supplie de sanctifier par le travail de la terre, celles et ceux qui y voient, au-delà de la peine et du gagne-pain, une forme de collaboration de l’homme au perfectionnement de la nature. « Nous reconnaissons, Seigneur, ta puissance, car notre existence est dans ta main, et nous implorons ta bonté car tu es notre Père. Regarde les besoins de notre vie et accorde-nous avec largesse notre subsistance. Toi qui commande aux vents et à la pluie, étends ta protection sur nos champs, répands ta bénédiction sur nos vignes, pour que la terre que nous avons travaillée porte son fruit ; que le pauvre comme le riche bénéficie de ta bonté et que chacun puisse te rendre grâce pour tes bienfaits.» cf. Livre des Bénédictions. Ed Chalet-Tardy, 1988. En somme l’esprit des Rogations est humble et très simple ; il s’agit de demander à Dieu d’orienter vers lui nos vies, et de nous aider à savoir « tout bénir en lui ». Si tous le faisaient, il est certain » que nombre de conflits et de guerres n’existeraient pas. Dieu est Maître de toutes choses et notre monde a besoin de bénédiction. Remettre à l’honneur la tradition des Rogations, c’est donc « réinjecter l’esprit chrétien dans les attitudes et réactions face aux aléas climatiques ». Ab. Michel |